Dans Path of Exile : Betrayal, nous avons accueilli 19 nouveaux doubleurs, ce qui a représenté une grande quantité de travail d’écriture et d’enregistrement. Nous nous sommes dit que c’était l’occasion de jeter un œil dans les coulisses et de vous parler de comment tout ça fonctionne ! Pour ce faire, nous avons interviewé Nick K., l’un de nos concepteurs narratifs qui est à l’origine de plusieurs personnages adorés des joueurs, tels que Niko et Einhar !

Salut Nick, et merci d’avoir accepté cette interview ! Peux-tu nous parler du développement des personnages et du rôle que joue le doublage ?

Contrairement aux films et aux séries télé, l’écriture dans les jeux vidéo arrive généralement à la toute fin du processus de développement. C’est principalement dû au fait qu’il faille passer du temps à prendre le concept art, à le transformer en un modèle 3D et à préparer ce modèle pour le jeu. Le résultat, c’est qu’il n’est pas rare de « voir » un personnage avant-même que l’écriture n’ait débutée. C’est ce qu’il s’est passé avec Einhar, Alva, Niko et Jun ; j’ai donc dû me fier aux visuels pour m’informer sur leur personnalité et leur histoire.

En général, on commence par balancer plein de lignes de dialogue. Personnellement, je trouve que les meilleurs personnages sont développés au fur et à mesure de leur écriture (littéralement tout ce qu’on écrit a de la valeur), puis on voit ce qui fonctionne ou non, et on réécrit ce qui ne va pas. C’est un procédé très élastique et très inexact. On a tendance à faire le casting des doubleurs pour ces rôles une fois qu’on a une bonne idée de « qui » est le personnage. Parfois, on a un timbre ou une cadence vocale en tête, et on essaye de trouver des exemples pour les illustrer et pour les fournir aux doubleurs, afin qu’ils essayent de se calquer dessus lors du casting — ou qu’ils l’interprètent à leur façon. À d’autres moments, et comme ça a été le cas avec plusieurs membres du Syndicat, on n’a pas d’idée concrète sur la voix d’un personnage, alors on laisse les doubleurs faire ce qui leur paraît naturel.

On écoute toutes les auditions et on choisit nos doubleurs préférés, puis on ajuste le script pour qu’il colle aux voix. On n’a pas forcément besoin de faire ça — les acteurs ont tendance à s’adapter à tous les scripts, du moment que ces scripts ne sont pas de vrais désastres grammaticaux comme celui de La Chose qui a fui. Et encore, les doubleurs prennent ces scripts et en font de l’or, la plupart du temps.

D’où te vient l’inspiration pour ces personnages ?

Souvent, j’essaye de « penser » comme un personnage ou un acteur que j’aime, et faire comme s’ils étaient à Wraeclast. Par exemple, Janus provient en partie de Tahani, le personnage joué par Jameela Jamil dans la série télé The Good Place.

Y a-t-il un truc pour créer des personnages capables de séduire le cœur de la communauté comme Einhar ?

S’il y a un truc, alors je ne l’ai pas encore trouvé ! Écrire des blagues, peut-être ? Einhar est un vrai pitre, et c’est facile d’aimer un pitre, surtout quand il n’est pas méchant. Je pense qu’il est plus facile d’aimer un personnage auquel on peut s’identifier, donc c’est ma foi assez important de trouver le côté émotionnel d’un personnage. En ce qui concerne Einhar, c’est son désir ardent de prouver qu’il est digne d’aller dans ce qu’il croit être l’au-delà.

C’est également très important de garder une certaine cohérence avec un personnage, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il doit être vrai dans ses propos ou digne de confiance. Einhar croit dur comme fer que la fin du monde va arriver, mais ça ne veut pas dire qu’il a raison pour autant. Idem avec les divagations paranoïaques de Niko.

Je pense qu’il est important que les réactions d’un personnage semblent raisonnables vis-à-vis du joueur. Naturellement, Alva est contrariée quand vous n’arrêtez pas d’améliorer la Salle des pièges, étant donné vous lui rendez la tâche encore plus difficile.

Y a-t-il des changements que tu aimerais pouvoir apporter à d’anciens personnages ?

Il y en a des dizaines. Peut-être même des centaines. Je pense qu’aucun auteur n’est pleinement satisfait de ce qu’il écrit. On trouve toujours à un moment donné quelque chose qui peut être amélioré — toujours. Parfois, ces changements sont aussi infimes que de changer ou d’enlever un seul mot.

Il faut accepter le fait qu’on peut toujours faire mieux et essayer de mettre à profit ce que l’on a appris dans ce qu’on écrira plus tard.

Est-ce que tu penses à un accent en particulier pour tes personnages avant de choisir leur doubleur ?

Ça m’arrive ! Pour moi, Einhar a toujours eu un accent d’Europe de l’Est. L’accent de Jun a été accidentel. Un accident d’accent, en quelques sortes. L’accent de Korell provient de son doubleur (anecdote : Korell et Janus sont doublés par la même personne) et, pendant le casting, on a entendu plusieurs suggestions d’accents différents de la part de tout un tas de doubleurs.

Est-ce que les diverses cultures de Wraeclast ont des accents distincts provenant de la culture de ces personnages ?

Oui et non. Les accents sont une chose intéressante. Une région relativement petite peut développer un grand panel d’accents. L’Angleterre, qui n’est pas un très grand pays, a malgré tout des dizaines d’accents bien distincts répartis sur tout le territoire. À l’oreille, un accent new-yorkais diffère d’un accent du New Jersey, malgré leur proximité géographique. L’accent de quelqu’un ne reflète pas nécessairement sa région d’origine, non plus. Personnellement, j’ai un accent américain prononcé, alors que j’ai principalement vécu en Australie. De la même manière, et bien qu’elle ait grandi en Nouvelle-Zélande, Bex a un accent extra-terrestre.

Donc, quand on se penche sur l’accent d’un personnage, on cherche à être cohérent dans la logique des choses, mais le fait de donner un accent à un personnage permet de le différencier des autres, et même de donner des indices quant à ses véritables origines. Einhar prétend qu’il est originaire d’Oriath, mais dit-il vraiment la vérité ? Pourtant, personne à Oriath n’a le même accent que lui. Il affirme également être Ézomyte, mais aucun Ézomyte n’a son accent non plus. Tout cela fait qu’Einhar semble être un « étranger » dès le départ et permet que l’on trouve sa façon truculente de parler plus acceptable dans un monde au naturel glauque.

Comment choisis-tu les doubleurs de chaque rôle ?

On auditionne beaucoup de personnes et on débat du meilleur. Bien entendu, on veut être certains que les personnages avec lesquels vous interagissez ne fassent pas trop similaires à l’oreille, ce qui rend certains doubleurs tels que Jay Simon (la voix d’Einhar et Niko !) encore plus impressionnants, car même en écoutant ces deux personnages l’un après l’autre, il est impossible de relever une quelconque ressemblance.

Comment se passe l’enregistrement ? Est-ce qu’il se fait dans les studios de GGG ?

Non ! On emploie les services d’un studio externe pendant quelques heures et, si le doubleur est du coin, on l’enregistre là. Récemment, on a fait appel à Native Audio. Certains doubleurs ont leur propre studio à la maison ou vivent à l’étranger ; à ce moment-là, on fait leurs enregistrements à distance.

Y a-t-il quelqu’un qui supervise ou donne des conseils vis-à-vis des voix ?

Depuis Bestiary, c’est moi qui m’en charge. Je bénéficie de l’aide de Jeremy Birchall, un doubleur expérimenté. Il se charge de tout ce qui est gestion des doubleurs, le genre de truc sur lequel je ne suis pas doué, du style s’assurer que les doubleurs ne s’esquintent pas la voix de façon à ce qu’ils puissent bosser pendant toute la session d’enregistrement. Il a aussi l’oreille pour les ratages d’accent, les bafouillages et toutes les nuances du genre. Je veille principalement à ce que les noms et les mots qu’on invente soient prononcés de manière cohérente et que le sens de chaque phrase soit correctement véhiculé.

Est-ce que les prises sont modifiées une fois enregistrées ?

Oui ! On a la chance d’avoir de supers ingés son qui écoutent les heures d’enregistrements qu’on reçoit, qui récupèrent les meilleures prises et qui les intègrent au jeu. Ça peut demander beaucoup de travail !

Pour certains personnages, il faut qu’on applique des effets sur leurs dialogues. Riker Maloney et La Chose qui a fui font partie de ces cas-là.

Comment choisis-tu les meilleures prises ?

En général, il suffit d’écouter les prises et de suivre son instinct. Parfois, je remarque une prise en particulier pendant qu’on enregistre, et je la note pour m’en rappeler. Parfois, j’ai tort !

Combien de temps faut-il pour enregistrer ? Par exemple, l’enregistrement de Navali a été fait combien de temps à l’avance ?

Ça dépend vraiment de la quantité et de la difficulté de ce qu’on a à faire. En général, les doubleurs qui trouvent leur rythme peuvent débiter quelques milliers de mots par heure. Les phrases d’une ligne bien senties (comme la majorité des dialogues de Betrayal) ont tendance à prendre plus de temps proportionnellement à la quantité de texte enregistrée. Je n’étais pas là pour Navali, mais je crois qu’on a fait plusieurs sessions d’enregistrement de quatre heures, à peu près. L’enregistrement de Léo pour Betrayal n’a pris qu’une heure, environ (ce qui est super court !), tandis que pour La Chose qui a fui, il nous a fallu presque quatre heures étant donné la nature excentrique de ses phrases.

Où se situe le doublage par rapport à la production de contenu ?

En gros, dans une extension, il s’agit de l’une des dernières étapes — même si, après que les enregistrements soient terminés, il faut tout implémenter dans le jeu. Ce procédé peut être assez rapide s’il s’agit d’un dialogue pour une quête, ou alors il peut prendre des heures et des heures de travail. Betrayal est un exemple extrême : une fois les dialogues enregistrés, on a dû créer un système permettant de gérer toutes les conditions pour chaque réplique, et vérifier que chaque réplique correspondait aux bonnes conditions. On avait plus de 2150 répliques pour Betrayal, chacune étant associée à telle ou telle condition.

Y a-t-il des difficultés à rappeler des doubleurs pour rejouer d’anciens rôles pour du nouveau contenu ?

Ça peut arriver, oui. Parfois, un doubleur ne veut pas rendosser son rôle pour diverses raisons, ou alors il ou elle a déménagé à l’étranger, ou son emploi du temps ne lui permet pas. Dans le cinéma et la télévision, les acteurs sont souvent bookés des mois à l’avance, tandis que nous avons des délais de production bien plus rapides — Betrayal a été écrit et enregistré sur une période de 2 mois, à peu près — donc on n’a pas trop le choix quand un doubleur n’est pas disponible.

Est-ce que des développeurs font des caméos dans les dialogues ?

Comme tout le monde le sait, Chris Wilson a prêté sa voix au plus mystérieux des Maîtres réprouvés — Krillson. Je crois que le mec qui ouvre le portillon pour Le Guet d’Œil de Lion est doublé par Andrew Reid, l’un de nos ingés son. C’est tout, je crois… enfin, pour l’instant.

As-tu d’autres personnages cools dans les cartons ?

J’espère ! Si c’est pas le cas, ça veut dire que je fais mal mon boulot. Mais bon, ça vous le saurez si vous restez sur le jeu :)
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Grinding Gear Games
Doublages en Français un jour ?

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