Si votre arrivée sur Path of Exile remonte à ces cinq dernières années, vous connaissez sans doute son système de Cartes de fin de jeu. Ce système n’a pas toujours existé, cependant : c’est le résultat d’un effort visant à corriger les divers problèmes de end-game qu’a connu Path of Exile au début de son développement. Le post d’aujourd’hui retrace l’histoire des divers end-games de Path of Exile, et leur influence sur la création du système de Cartes.

Le design de notre end-game a suivi deux philosophies fondamentales :

Il est crucial d’avoir des niveaux aléatoires


Je pense que la majorité de notre communauté est d’accord avec ça. Pourtant, certains développeurs d’action RPG ne s’en rendent pas compte et font des jeux avec des mondes fixes. Le fait d’avoir des niveaux dont l’agencement est aléatoire, avec des monstres aléatoires et des événements aléatoires permet au joueur de refaire le même contenu en boucle sans jamais ressentir la redondance d’une zone qui serait à chaque fois exactement la même.

N’importe quel endroit peut servir de end-game


Aussi dingue que cela puisse paraître, ce principe est pourtant une réalité dans les action RPG. Vous pouvez désigner arbitrairement n’importe quel endroit du jeu comme étant la fin, et les joueurs vivront malgré tout le grind du end-game, en jouant dans une ou deux des dernières zones du jeu dans le but de trouver des objets de plus en plus puissants et de glaner quelques points d’expérience. Nous avions une version de Path of Exile pendant sa phase d’alpha en interne qui allait jusqu’à Brutus ; la communauté de l’époque (principalement composée d’amis des développeurs) a passé des semaines entières à faire des runs pour aller tuer Brutus, à l’affût du moindre objet rare de niveau 12 (Brutus était de niveau 10 à ce moment-là), et à rivaliser pour atteindre le niveau 20 en premier. À chaque fois que nous faisions la suite du jeu et que nous ajoutions ce contenu, un nouvel end-game s’en dégageait, aussi divertissant que le précédent malgré le changement de lieu. De par le passé, ce genre de chose s’est déjà vu lors de betas et de stress tests pour d’autres action RPG — les joueurs rivaliseront toujours entre eux et tireront le maximum du contenu qui est à leur disposition, quel qu’il soit.

Ceci étant dit, il vaut mieux que le end-game comporte autant de contenu que possible. Si le end-game se résume à une seule zone avantageuse que les joueurs font et refont en boucle, alors le jeu ne fait que dépendre de l’efficacité de sa génération aléatoire de niveaux. Plus il y a de contenu, mieux c’est.

Un des poncifs des action RPG des années 2000 était de permettre au joueur de terminer le jeu trois fois avec le même personnage, le jeu devenant plus difficile à chaque fois. Ces niveaux de difficulté proposaient des zones dont le niveau augmentait par incréments de plus en plus petits, jusqu’à s’achever sur des zones de end-game — le contenu le plus difficile du jeu, en règle générale. Au départ, Path of Exile avait quatre niveaux de difficulté mais seulement deux actes lors de la beta. Afin d’éviter que les joueurs ne s’ennuient à répéter une seule et même zone de haut niveau en boucle, toutes les zones du dernier niveau de difficulté étaient du même niveau ; on pouvait donc jouer à n’importe quel endroit du jeu. De plus, les monstres y représentaient un vrai challenge. Le but était de permettre au joueur d’aller là où bon lui semble pour farmer, et de changer de la monotonie qui s’installe lorsque l’on fait et refait la fin de l’Acte 2 sans arrêt.

Malheureusement, cette difficulté uniforme nous a posé deux problèmes :
  • Pour un end-game dans lequel les joueurs sont censés s’améliorer petit à petit, la difficulté était trop élevée, et beaucoup de joueurs ont eu l’impression de se heurter à un mur ; leurs morts fréquentes face à des monstres intuables les tracassaient.
  • Les joueurs qui pouvaient tuer les monstres ont quant à eux rapidement trouvé les meilleures zones de farm — celles qui contiennent des monstres à l’IA basique et dont l’agencement est linéaire. L’un des meilleurs exemples du genre est La Corniche.

Nous nous sommes occupés de ces deux problèmes en rendant la difficulté Impitoyable légèrement plus dégressive, de manière à encourager les joueurs à se rendre dans des zones plus dures.

Le gros problème avec un end-game de ce genre, c’est que les dernières zones finissaient par devenir fades. Les joueurs qui cherchaient à obtenir les meilleurs objets et à gagner le plus d’expérience étaient obligés de refaire quelques zones en boucle. Même si la génération aléatoire des niveaux aidait grandement, il nous fallait beaucoup plus de diversité. Dans le patch 0.8.6, nous avons ajouté le Maelström du Chaos, un end-game spécial qui consistait en une série de zones consécutives avec un niveau de difficulté croissant, des monstres aléatoires et des tilesets pris au hasard (dans un éventail de huit tilesets).

Ce contenu s’est avéré être un bon moyen de vaincre l’ennui éprouvé par les joueurs qui répétaient les mêmes zones à la chaîne, mais il a aussi été à l’origine d’un tout nouveau problème : l’accès au contenu non mérité.

Les joueurs terminaient le jeu en difficulté Impitoyable et n’attendaient qu’une chose : jouer dans le Maelström du Chaos. Comme les zones du Maelström étaient reliées entre elles, les joueurs pouvaient aisément foncer à travers les premières zones pour se précipiter sur le contenu le plus dur. Ça ne posait pas de problème si les joueurs étaient capable de s’y frotter, mais en réalité c’était un échec. Les joueurs regardaient des streameurs farmer les zones les plus difficiles du Maelström en pensant que tout le monde faisait pareil, alors ils s’y rendaient directement pour au final s’y casser les dents. De nombreux joueurs ont clamé leur inquiétude, déclarant que le jeu était trop difficile et exigeant et ce, malgré la présence des zones plus simples, prévues pour être faites avant d’arriver au contenu le plus dur. À titre de comparaison, imaginez aujourd’hui un joueur qui vient de terminer l’Acte 10, qui lance une carte rouge en s’attendant à la maîtriser d’emblée, puis qui se plaint parce qu’il s’est fait tuer en une seconde.

Je me rappelle comme si c’était hier de la réunion où nous avons évoqué pour la première fois cette idée d’accès au contenu non mérité. Cette formule décrit parfaitement la situation dans laquelle nous étions. C’était assez frustrant de voir des joueurs volontairement saborder leur progression, pour ensuite en être furieux. Finalement, la vérité nous est apparue : c’était un problème de game design, et nous devions le résoudre. Il nous fallait un système dans lequel les joueurs se sentiraient à l’aise dans du contenu adapté à leur niveau de progression.

En 2012, lors d’une autre réunion, nous avons eu l’idée d’instaurer un coût à l’accès des zones du Maelström du Chaos. Nous l’avions envisagé un peu comme un pari : vous dépensez quelques Orbes de chance et, si vous vous débrouillez bien dans la zone, vous en récoltez les récompenses. Idéalement, ce concept aurait empêché les joueurs de se mesurer à des zones trop difficiles pour eux, et à la place d’en tenter des plus faciles par souci de rentabilité. Cette idée a fait son bout de chemin jusqu’au moment où nous avons évoqué la possibilité de payer avec un objet doté de mods : nous avions envisagé une machine qui pourrait accueillir une arme rare et qui créerait une zone portant les mêmes mods que l’arme. Par exemple, une arme avec des mods de dégâts génèrerait une zone où les monstres infligeraient plus de dégâts et céderaient plus d’objets. Nous sommes restés quelques heures sur cette idée avant de nous rendre compte qu’il serait plus logique si nous faisons un nouveau type d’objet dont les mods décriraient exactement les changements appliqués à la zone. Nous lui avons donné le nom de "Carte", et nous avons classé ces cartes en paliers de plus en plus difficile à accomplir. Avec de bons mods et un peu de chance, ces cartes vous permettraient d’en trouver d’autres de paliers plus élevés, à faire lorsque votre personnage serait prêt. À cause de leur coût économique, les joueurs ne les essaieraient que si leurs chances de réussite étaient raisonnables.

Dans le patch 0.9.11, le Maelström du Chaos a laissé la place au système de Cartes. Ce système a résolu l’intégralité des problèmes dont nous venons de parler, et a bien été accueilli par les joueurs. C’est à ce moment-là que Path of Exile a commencé à gagner en popularité, ce qui n’a jamais cessé depuis. Nous avons beaucoup appris en terme de game design grâce à ça, et nous continuons de mettre ces enseignements en pratique.
Posté par 
le
Grinding Gear Games

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